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LIBAN : Un fier équipage

LIBAN : Un fier équipage

 


Photo collection Georges Boustany.
LA CARTE DU TENDRE
16/09/2017

Les enfants de Chouite, petit village situé en amont, entendaient parfois son sifflement depuis Jamhour : ils savaient alors que la pluie n’était pas loin. Pour eux, le passage de l’impressionnante locomotive soufflant et crachant une épaisse vapeur blanche était l’occasion de jouer avec un train grandeur nature. Il leur arrivait ainsi de poser des clous sur les rails, que le poids du convoi transformait en lames aiguisées avec lesquelles ils fabriquaient des canifs. À d’autres moments, ils s’accrochaient, petits passagers clandestins, aux wagons, qui, dans les pentes abruptes, roulaient au pas, et, malgré la crémaillère, il arrivait que les roues patinent, ajoutant au suspense du moment.

Le cliché d’aujourd’hui est un miraculé. Imprimé en négatif sur plaque de verre au début des années 1920, il a été retrouvé in extremis dans une poubelle. Exhumé de l’oubli, l’équipage d’une locomotive sans wagons pose fièrement devant la bête qui est en train de s’approvisionner en eau. La gare est celle de Araya, voisine de Chouite : un paysage bucolique qui n’a pas beaucoup changé. De gauche à droite, chaque personnage campe le rôle qui lui est imparti avec une parfaite maestria. Un jeune assistant photographe tient une caméra, des plaques vierges en poche. Près de lui, le sévère surveillant est chargé de diriger la machine à coups de sifflet et de manipuler les aiguillages au besoin. Le contrôleur, le regard inquisiteur, se tient à l’affût, poinçon à la main. Suivent les gendarmes, avec les chapeaux hérités de l’ancien occupant ottoman : un soldat et son officier. Celui-ci, l’air résolument dominateur, portant le sigle GL (Grand Liban) sur son couvre-chef, saisit la crosse de son pistolet dans un geste sans équivoque. Enfin, tout à droite, le mécanicien, voûté, couvert de suie et de matières grasses, modeste béret vissé sur la tête, s’est équipé d’une bouteille d’huile à bec verseur, ça peut toujours servir.

Dans les années folles du rail libanais, le mécanicien originaire de Chouite faisait siffler le train à l’approche du village : sa femme se précipitait alors pour lui remettre sa cantine-repas. Ensuite, il y a eu la guerre et les exodes, qui ont eu raison de tout ce petit monde. Ne restent plus, de nos jours, que de vieux rails rouillés, des gares décrépites et quelques cigales qui tentent de couvrir le vacarme automobile de nos vallées balafrées par l’asphalte.

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