
Un rapport publié récemment par le centre de recherches Arab Reform Initiative (ARI) sur la démocratie dans une dizaine de pays arabes en 2014 et 2015 montre un net recul de la vie démocratique au Liban. Photo Marwan Assaf
Le Liban, qui était en 5e position en 2012 et en 2013, a chuté à la 7e place dans ce nouveau rapport avec 532 points sur 1 000. Il devance ainsi l’Égypte (503 points), Bahreïn (436 points) et l’Arabie saoudite (419 points). À la première place du classement 2014-2015, figure le Maroc (735 points), suivi de la Tunisie (690 points), de la Jordanie (640 points), du Koweït (631 points), de l’Algérie (589 points) et de la Palestine 539 points
« Le recul du Liban en 2014 et 2015 est dû à la paralysie de la situation politique pendant cette période », indique Rania Abi Habib, chargée de développement et de communication au Lebanese Center for Policy Studies (LCPS), cet organisme étant le partenaire libanais chargé d’analyser les données du rapport relatives au pays. « N’oublions pas que le mandat du Parlement a été prorogé deux fois et qu’il n’y avait pas de président de la République. La vacance présidentielle a touché les autres institutions. Le gouvernement avait décidé de prendre des décisions à l’amiable au lieu de le faire suivant le vote majoritaire, comme il est d’usage. De plus, il n’y avait pas de budget et la crise syrienne a eu des répercussions sur notre économie. À l’époque, le seul espoir résidait dans le rapprochement et les réunions entre le Hezbollah et le courant du Futur d’un côté et les Forces libanaises et le Courant patriotique libre de l’autre », poursuit Mme Abi Habib. « Par ailleurs, les indicateurs relatifs aux textes de lois en eux-mêmes ont obtenu les meilleures scores, ce qui prouve que notre législation est adéquate mais que c’est sa bonne application qui fait défaut », ajoute-t-elle
Concernant les autres pays inclus dans l’étude, le rapport note un recul de la démocratie dû aux guerres en Syrie, en Libye et au Yémen, ainsi qu’une grande désillusion par rapport aux changements promis par le printemps arabe
Entorses à la Constitution et répressions
Dans l’étude des indicateurs relatifs à la démocratie, le Liban affiche neuf résultats nuls sur quarante-deux indicateurs notés sur mille. Ces résultats sont en premier lieu dus à l’absence de contrôle, par le Parlement, du travail du gouvernement et à diverses entorses à la Constitution. On note également : – la torture des détenus, la répression de cinq manifestations et l’agression menée contre des manifestants du collectif “Vous puez !” en août 2015, l’interdiction de plusieurs films et pièces de théâtre, la comparution de civils devant le tribunal militaire, l’absence de projet de budget et le sentiment d’insécurité chez 79,8 % des Libanais sondés pour le rapport
– Le Parlement n’a pas fait de suivi avec le gouvernement sur les décrets d’application, ce qui a conduit à une paralysie des lois adoptées, analyse Rania Abi Habib. La Constitution a été violée à maintes reprises et nous n’avons pas eu de budget depuis 2005, alors qu’il n’y a aucune justification à cela. Par ailleurs, nous relevons le fait que les détenus sont souvent maltraités, surtout les Syriens, les Palestiniens et les étrangers en général ainsi que la communauté homosexuelle
Parmi les aspects positifs de la performance libanaise, Rania Abi Habib note que plus de 50 manifestations ont été organisées en 2014 et 2015, mais le fait que certaines d’entre elles ont été réprimées « montre que la liberté d’expression est présente mais qu’elle est menacée par moments ». – Nous relevons également le fait que les partis et les organisations de la société civile peuvent travailler librement et que les projets de loi sont publiés alors qu’ils ne le sont pas dans les autres pays arabes, poursuit-elle. De plus, 85 % des Libanais sondés pensent qu’ils peuvent critiquer le régime librement. La liberté du culte est également consacrée au Liban. Nous avons certes un recul dans le respect des libertés mais nous restons parmi les pays arabes qui affichent les meilleurs scores à ce sujet. Par contre, il nous reste beaucoup à faire au niveau de l’égalité entre les sexes
« Dans les autres pays arabes, il est difficile d’obtenir des informations sur la vie démocratique, notamment en Arabie saoudite et à Bahreïn. C’est des individus, et non des centres de recherche, qui travaillent ce genre de rapports en secret », confie la chercheuse.
Parmi les recommandations du LCPS, la mise en place d’une loi électorale qui garantirait l’équité, la décentralisation, la redéfinition de la torture dans la loi et l’égalité des droits entre les hommes et les femmes, notamment en ce qui concerne le fait de transmettre sa nationalité