
Entrons donc dans le vif du sujet avec quelques rappels historiques. C’est Paul Gineste de Saurs qui a créé en 1959 la formule originale et la fameuse sauce sous l’enseigne Le Relais de Venise, son Entrecôte boulevard Pereire, près de la porte Maillot. En 1966, l’une de ses filles, Hélène Godillot, prend la direction de l’établissement qui possède aujourd’hui quelque six franchises dans le monde. Sa sœur Marie-Paule Burrus reprend la formule sous le nom de Le Relais de l’entrecôte, avec trois locaux à Paris (rue Marbeuf, rue Montparnasse et rue Saint-Benoît), et six franchises à travers le monde, dont la Suisse, le Liban, Koweït City, Dubaï et Doha. Leur frère Henri, décédé en 2016, a dirigé quant à lui L’Entrecôte (tout court), avec des locaux à Bordeaux, Lyon, Nantes, Montpellier et Toulous
Paris à Beyrouth, ou presque
À Beyrouth, Le Relais de l’entrecôte a l’allure du vrai bistrot parisien et se conforme au cahier des charges. Des stores rouges qui l’identifient immédiatement, une boiserie qui orne la majeure partie de ses murs et un décor complété par des miroirs et des affiches anciennes encadrées. Les tables sont recouvertes d’une nappe en papier blanc sur laquelle les serveuses, toutes des dames et toutes habillées en noir avec des tabliers blancs, marquent votre choix de cuisson. Ces gestes font partie de l’identité du restaurant, où qu’il soit dans le monde. Le service est bel et bien rapide et efficace. Il n’y a évidemment pas de menu, puisque c’est une formule unique, mais une carte de desserts. Le client peut juste choisir la cuisson de sa viande. La salade verte aux noix servie est sèche, il lui manque en général un peu plus de sauce moutarde vinaigrette qu’il faudra commander en surplus. Les serveuses se feront un plaisir de vous en rapporter, avec le sourire
Après l’entrée, le cauchemar commence… Je dois tout d’abord préciser que la viande servie n’est pas une entrecôte, comme le confirme bien la maison mère, à Paris ou Genève. C’est en fait un contre-filet. Ce terme est bien approprié, puisque ce morceau de bœuf se situe tout contre le filet. Il ne faut surtout pas confondre les deux viandes. Le contre-filet a une forme et une texture assez proches de celles de l’entrecôte, quoique moins larges et moins persillées. Il possède également une légère saveur de noisette et il est juteux. Mais là, notre viande n’était ni tendre ni juteuse, encore moins savoureuse. Et puis, bien qu’ayant commandé un plat bien cuit et l’autre bleu, à notre grand étonnement (et déception), nos deux viandes avaient la même cuisson
Cette expérience est bien différente de celle vécue à Paris, ce qui ne devrait pas être permis, puisqu’il s’agit d’une franchise qui impose des normes strictes à respecter. Une visite inattendue du franchiseur aura un effet catastrophique quant à la gérance de ce local sous licence. Même la moutarde n’est pas la même. À Paris, elle monte au nez immédiatement. Tout cela expliquerait bien pourquoi deux des enseignes du même franchisé ont déjà fermé et que la dernière, celle de Monnot, peine à survivre. Nous étions à peine 3 tables, 8 clients. La viande, qui devait être coupée en tranches pas très épaisses, est l’ombre de son homonyme à Paris et Genève. Pire encore, elle est difficile à mâcher. Heureusement, les pommes allumettes sont croquantes, fines et dorées. Alors que la fameuse sauce secrète est complètement ratée : ce n’est ni la même texture, ni le même goût, ni la même couleur que l’originale. Elle n’est d’ailleurs plus tellement secrète, après l’émergence de toutes ces recettes sur le net
Oubliée aussi cette tradition sacrée qu’on aimait, celle d’essuyer le plat avec un morceau de baguette fraîche pour déguster les restes de sauce sans en perdre une goutte. À présent, lorsque la serveuse nous propose le second service de notre viande, nous la refusons catégoriquement
Il reste quand même une chose qui n’a pas changé, bien heureusement : le choix des desserts. Profiteroles au chocolat, crème brûlée, tarte chaude aux pommes, tulipe de fraises melba avec son biscuit fin croustillant (hélas servie à Beyrouth sans les amandes effilées), ou encore vacherin du Relais avec ses meringues et sa glace vanille et praliné recouverte de chocolat chaud et de crème chantilly. Une carte des desserts toujours rédigée à la main, avec des lignes irrégulières qui lui donnent aussi son identité.
À Paris, depuis l’ouverture de ces restaurants, le succès ne s’est pas démenti, et la longue queue quotidienne, midi et soir, en est la plus belle preuve. Parce que là-bas, la pièce de bœuf est toujours fondante, que la qualité n’a pas changé et que c’est toujours l’adresse idéale pour déguster une bonne viande rouge, d’une tendreté surprenante. « Nous vous attendons ! Vous reviendrez », dit le slogan. Non. Nous ne sommes pas près d’y retourner, à Beyrouth en tous les cas. Et c’est normal. Les prix affichés sont les mêmes qu’à Paris (30 $ vs 26,5 € pour le menu fixe), mais les desserts sont facturés en moyenne 10 % de plus. Il faut également noter que là-bas, les prix incluent le service. Nous voilà donc 15 % plus cher, et pour un repas raté. Plus jamais ça
Data
Qualité de l’air : 68/100 (modéré), COV 0.6ppm, humidité 50 %, temp +22°C
Notes
Son : 3/5
Déco : 3/5
Personnel : 3/5
Plats : 2/5
Propreté : 4/5
Avis : décevant
Prix : raisonnable
EN BREF
On aime bien : les desserts
On aime moins : la viande, la fameuse sauce
Le conseil : si vous insistez à y aller, commandez la viande très bien cuite, comme ça vous n’y verrez (presque) que du feu
Le Relais de l’entrecôte
Rue Abdel Wahab el-Inglizi, Achrafieh
* Critique gastronomique
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