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Laisser passer le passé

Laisser passer le passé

IMPRESSION
30/03/2017

Il nous semble parfois que le Liban est pareil à un tableau de Bruegel le Jeune. Une foultitude de scènes et de personnages s’animent dans tous les coins. On a du mal à en distinguer le sujet central. Il faut bien s’en approcher pour comprendre, et encore, on ne saisit que des fragments. L’ensemble nous échappe. Tout se passe comme si une myriade de pays se côtoyaient sur ce petit territoire. Sur un même parcours d’à peine une heure, on pourrait voir se succéder plusieurs civilisations presque étrangères les unes aux autres, voire indifférentes à force de s’ignorer. Cette attitude n’est pas louable, mais elle préserve une sorte de paix que la promiscuité tend à menacer.
Tenez, par exemple, un grand nombre d’entre nous, pour n’y avoir pas été confronté, ignore que le mariage des mineures est encore licite dans ce pays. Il a fallu que le chef du Hezbollah, qui d’habitude ne s’adresse à la « nation » que pour parler de politique ou de guerre, se pique pour la première fois d’aborder ce sujet de société… diabolisant au passage toute personne qui s’opposerait au mariage des fillettes qui, lui, ferait partie du dessein divin. Imaginerait-on des femmes adultes épouser des petits garçons ? Il suffit d’inverser l’image pour en saisir la monstruosité. On a beau ne pas appartenir au parti ou à l’honorable communauté chiite, on ne peut s’empêcher de ressentir une douleur aiguë en pensant à ces gamines dont le ventre est réquisitionné implicitement pour l’effort de guerre, au mépris de leur innocence et de leur ignorance. Ces enfances malheureuses engendrent elles-mêmes des enfants malheureux qui ne font qu’ajouter de la misère à la misère existante. Scandale en deçà de la banlieue sud, coutume au-delà
Le problème, c’est que nous vivons sans le nommer dans une sorte d’état d’urgence, un sentiment d’insécurité larvé, entretenu en hauts lieux (il y en a plusieurs) pour garantir notre résignation au moindre mal. Que vaut, à cet égard, la douleur d’une gamine, tant qu’elle peut aider à cristalliser une culture et affermir un règne ?
Par ailleurs, autour de nous, nous voyons tomber les derniers témoins architecturaux d’un art de vivre qui s’efface, que nous imaginions doux et lent. Il est pourtant contemporain de ces mœurs que notre époque n’est plus prête à tolérer. Tour à tour disparaissent ces maisons auxquelles nous attribuions une âme, une poésie intrinsèque et que nous désignions par leur couleur, la bleue, la jaune, la rose, et maintenant la rouge. Il faudra aussi accepter l’effondrement de la « Grande Brasserie du Levant », symbole de nos premières ambitions industrielles. Il faudra accepter que le passé rejoigne le passé et se décider enfin à enchanter le présent, à y graver notre empreinte. Aimons-nous enfin. Secouons nos poussières, ne laissons plus rien en repos. C’est à nous, citoyens, d’inspirer et d’animer dans le bon sens les gens qui gouvernent ce pays. Autant qu’eux, nous sommes responsables de l’avenir. Souvenons-nous que nous avons toujours eu vocation à aller vers le monde, à contribuer, souvent en pionniers, à tous les changements. Avons-nous toujours besoin de partir pour donner le meilleur dont nous sommes capables ? Il y a tant à faire, et de ce « tant », tant à espérer

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