IDÉES
La distanciation, une innovation libanaise contre les guerres par procuration
La réunion du Comité de dialogue national du 11 juin 2012 au siège de la présidence de la République libanaise, à l’issue de laquelle a été adoptée la déclaration de Baabda, qui demande notamment aux parties de « tenir le Liban à l’écart de la politique des axes et des conflits régionaux et internationaux ». Archives ANI
Antoine Messarra :Membre du Conseil constitutionnel et titulaire de la chaire Unesco d’étude comparée des religions, de la médiation et du dialogue de l’USJ.
COMMENTAIRE
Antoine Messarra | OLJ02/12/2017
Lorsque l’on est accoutumé à des lectures conventionnelles sur les relations internationales ou mû par un complexe d’infériorité sur tout ce qui concerne la modernité du régime constitutionnel libanais, il est normal qu’on s’interroge sur la notion de distanciation. Quel est le point de départ pour l’analyse concrète de cette notion ? C’est la qualification de ce qui s’est passé au Liban durant les années 1975-1990, une Guerre pour les autres, suivant le titre de l’ouvrage de Ghassan Tuéni (Lattés, 1985).
Lakhdar Brahimi, ancien envoyé spécial de la Ligue arabe pour le Liban et de l’ONU pour l’Irak, avait déclaré aux Irakiens, le 14 février 2004 : « S’il y a un pays dans la région où on ne peut imaginer qu’il puisse y avoir une guerre civile, c’est le Liban… » Il voulait dire que dans les guerres civiles aujourd’hui, ce n’est pas nécessairement la moitié de la population qui prend les armes contre l’autre moitié. Quand l’État est démantelé, des organisations se formant en vue de l’autodéfense ont nécessairement besoin d’armement et d’argent de l’extérieur et deviennent – malgré tout le patriotisme de leur élan national – subordonnées à des forces extérieures. L’entente interne ne suffit plus alors pour arrêter la guerre. Il faut une entente régionale et même internationale. Au cours du traité d’Utrecht (1713), un diplomate dit aux Hollandais : « On fera la paix chez vous, pour vous et sans vous. »