
Largement présentes à l’étranger, avec 18 banques libanaises ayant 407 unités bancaires réparties sur 32 pays, les banques libanaises sont confrontées depuis quelques semaines à de nouvelles restrictions quant aux activités de leurs filiales à l’étranger, avec l’émission de deux nouvelles circulaires de la Banque du Liban (BDL). Elles s’inscrivent dans un contexte politico-sécuritaire et économique régional difficile en 2016, ayant notamment entraîné des dévaluations ou de fortes dépréciations de plusieurs devises comme les livres turque et égyptienne – qui ont enregistré des baisses respectives de 18 % et de 58 % en 2016 –, tandis que la poursuite des conflits en Syrie et au Soudan a également pesé fortement sur les taux de change : alors qu’un dollar s’échangeait à 219,65 livres syriennes (SYP) et à 6,60 livres soudanaises (SDG) au 31 décembre 2015, il valait respectivement 515 SYP et 7,10 SDG au 31 décembre dernier, selon le Trésor américain.
Effets de change
Face à cette situation, les banques libanaises sont en première ligne, « la baisse de l’activité étrangère (des banques libanaises) est liée aux effets de change des devises suite à la dépréciation de la livre égyptienne et de la livre turque ; l’Égypte et la Turquie étant les principaux marchés étrangers pour les banques libanaises en termes d’actifs », notait ainsi un rapport de Bankdata Financial Services, publié en novembre 2016. Ainsi, si les actifs consolidés des banques alpha – les 14 banques du Liban dont les dépôts excèdent 2 milliards de dollars – ont augmenté de 6,8 % au Liban sur les neuf premiers mois de 2016, à l’étranger, ils ont subi une baisse de 1,6 % sur la période, selon le rapport.
À l’occasion de la publication de leur bilan annuel en février, Bank Audi et la Byblos Bank avaient par ailleurs indiqué avoir consacré une partie des revenus générés par les opérations d’ingénierie financière de la BDL aux modalités de provisionnement exigées par le régulateur et à l’élimination de leurs investissements au Soudan et en Syrie. Pour rappel, la BDL a mis en place des opérations d’ingénierie financière entre mai et août derniers qui ont permis aux banques de générer 5 milliards de dollars de revenus, selon le gouverneur de la BDL, Riad Salamé. Même si répondre à une conjoncture régionale difficile est loin d’être le seul objectif de l’ingénierie financière, « il est de notoriété publique que ces opérations ont été menées en partie pour soutenir certaines banques qui avaient des difficultés à l’étranger », explique un banquier ayant souhaité garder l’anonymat. Le renouvellement d’une opération d’une telle ampleur semblant hautement improbable, la BDL a néanmoins décidé d’encadrer plus strictement les activités des banques à l’étranger.
Elle a ainsi émis deux nouvelles circulaires en janvier dernier. La première, n° 448, émise le 7 janvier, oblige les banques libanaises à « s’assurer que le total des prêts accordés par chacune de ses filiales à l’étranger en devises étrangères, y compris les placements dans les bons du Trésor et les autres titres émis dans le pays hôte en devises, ne dépasse pas 60 % des dépôts des clients dans la filiale concernée en devises étrangères ». La circulaire donne aux banques jusqu’au 31 mars 2017 pour régulariser leur situation. La seconde circulaire, n° 449, émise le 20 janvier par la BDL, établit, elle, que les banques libanaises créées avant le 25 janvier 2012 doivent désormais provisionner 7,5 milliards de livres libanaises (environ 5 millions de dollars) pour l’ouverture de chaque nouvelle agence à l’étranger après le 31 décembre 2016 ; et que ce montant s’ajoute à celui imposé par les autorités concernées à l’étranger.
Court délai
« Ces mesures ont été mises en place afin de pousser les succursales des banques à l’étranger à financer leurs créances avec des dépôts dans leur propre pays, permettant ainsi de limiter le transfert de fonds de la maison-mère », explique le directeur du département international de Fransabank, Georges Andraos. « Par exemple, si une banque possède des dépôts de 200 millions de dollars à l’étranger, dont la moitié est en monnaie locale, et octroie des crédits à 60 % du total des dépôts, ce ratio risque d’augmenter dangereusement si la monnaie locale perdait de la valeur. Désormais, les banques doivent s’assurer que leurs prêts en devises ne dépassent pas 60 % des dépôts en devises étrangères », précise Chawki Badr, le directeur général adjoint de BBAC.
En attendant, les banques ont encore beaucoup à faire pour se mettre en conformité avec ces nouvelles restrictions. « Les banques libanaises ont jusqu’au 31 mars pour se mettre en conformité avec la circulaire n° 448, ce qui peut s’avérer être un délai assez court pour certaines filiales, car il faut mettre en place un plan pour chacune d’entre elles. Cela peut se traduire soit par la transformation de certains crédits octroyés en devises en crédits en monnaie locale ; soit par la réduction de l’exposition des banques aux risques souverains en devises ; soit, enfin et surtout, à travers une attraction plus forte des dépôts en devises », souligne Georges Andraos.