
Il n’y a pas très longtemps encore on le croisait au détour d’une salle de théâtre, les cheveux en bataille, le visage taillé à la serpe, la voix haute et caverneuse, la taille dégingandée, la chemise et le gilet au vent, le regard absent derrière ses lunettes et les lèvres un peu pincées comme sous l’effet d’une cogitation constante. Il s’appelle Jalal Khoury…
L’un des pères du théâtre libanais, l’un des ténors les plus turbulents et les plus tonitruants, vient de prendre le grand virage, lui qui a eu plusieurs vies, comme plusieurs choix, tous cohérents, car correspondant à la mobilité et aux changements d’une société et d’un pays dont l’éclatement, interne et externe, est celui d’une bombe à fragmentations. Une longue carrière de plus d’un demi-siècle (56 ans exactement) pour assouvir la passion dévorante et fusionnelle des planches. Mais aussi de la politique, de la religion et de la culture. Car le dramaturge avait la conscience vive pour les rouages de la cité, une soif inextinguible de connaissance et de compréhension de l’au-delà, un besoin indicible de communiquer, une volonté d’analyser et le courage de témoigner.