Le musicien catalan est à l’affiche, ce soir, avec l’ensemble Hespérion XXI, dans le cadre d’une saison mettant l’accent sur les artistes du Moyen-Orient. Photo Michel Sayegh
FESTIVAL DE BEITEDDINELe musicien catalan est à l’affiche, ce soir, avec l’Ensemble Hespérion XXI, dans le cadre d’une saison mettant l’accent sur les artistes du Moyen-Orient
Jordi Savall, quant à lui, a un parcours beaucoup plus lisible, et son importance dans le monde de la culture est tout aussi notable. Car ce spécialiste de la musique médiévale, baroque et de la Renaissance occupe le devant de la scène depuis son éclosion en 1991 avec la musique originale de Tous les matins du monde, racontant l’histoire de Marin Marais et de la viole de gambe, qu’il maîtrise par ailleurs à la perfection. Il sera ce soir sur la scène du Festival de Beiteddine mais, en attendant, il profite de Beyrouth qu’il visite pour la troisième fois. À 76 ans, le sosie catalan de Robert de Niro continue de parcourir le monde et son visage, sérieux et attentif, reflète la sérénité de celui qui n’a plus rien à prouver mais veut continuer à montrer
Développer, intégrer et se battre
La carrière de Jordi Savall se déroule avec trois objectifs, et il les affirme avec l’assurance du savant polyvalent qu’il est : développer la connaissance du grand public pour les musiques plus anciennes, intégrer ces musiques dans des spectacles aux ambitions sociales et culturelles plus larges, et se battre enfin pour la culture catalane. Ibn Battûta et ses voyages offrent au maître à la chevelure blanche un terreau parfait pour pouvoir utiliser et faire connaître les musiques anciennes traditionnelles de tous les pays visités car comme il le dit : « C’est la musique qui permet le mieux de raconter les voyages. » Créé en 2014, le spectacle Ibn Battûta consiste en des vignettes de lecture des découvertes des villes visitées par le voyageur, illustrées par la musique locale de l’époque. Les voyages se déroulant au XIVe siècle, c’est une compilation originale et inédite de musiques qui nous est offerte, une découverte de tous les instants, un voyage sonore et temporel, qui pousse à fermer les yeux pour une immersion totale. À l’origine d’une durée de plus de 3 heures, mais en deux parties, le spectacle est présenté dans sa version courte à Beiteddine, racontant les années 1336-1354 et le parcours de l’Afghanistan en Chine, en passant par l’Inde, avec un retour à Fez, au Maroc. Les musiques jouées seront tirées des répertoires de la Chine occidentale, de la musique catalane du XIIIe siècle ou encore de la musique instrumentale du Sri Lanka (appelé Ceylan à l’époque). Le chant sera aussi présent, et c’est la belle voix de Waed Bouhassoun qui représentera la région, alors que le texte sera lu par Badih Abou Chakra.
Alors que chaque représentation est un événement en soi par la qualité des œuvres présentées et le nombre des musiciens sur scène – 23 au palais des Émirs – Jordi Savall a déjà préparé la suite, sous la forme d’un spectacle sur l’esclavage, qui sera joué à New York et Montréal, où il espère « ne pas subir la censure chinoise qui avait supprimé les sous-titres sur le voyage en Chine » lors des concerts à Shanghai
De censure il n’y aura pas ce soir au palais des Eaux, avec ce périple spatiotemporel proposé par Jordi Savall. Car pour sa troisième escale au pays du Cèdre, après celles de 2004 et 2015, il avait bien du mal à cacher sa joie de revenir au Liban, : – ce pays qui a la meilleure nourriture au monde, surtout pour les végétariens