PENDANT CE TEMPS, AILLEURS…
Des lettres, des photos et des dessins avaient été emportés en Europe par des membres de la famille impériale fuyant le tumulte et les persécutions de la révolution bolchévique de 1917.
OLJ26/09/2017
D’un « télégramme de papa » évoquant une partie de chasse aux lettres angoissées face à l’arrivée au pouvoir des bolchéviques : cent ans après la révolution en Russie, une collection de documents inédits de la famille impériale, les Romanov, est de retour en Russie.
Ces archives, qui comprennent des lettres, des photos et des dessins, avaient été emportées en Europe par des membres de la famille impériale fuyant le tumulte et les persécutions de la révolution de 1917, et se trouvaient depuis dans une collection privée à Londres. Achetés pour plus de 70 000 euros par la banque d’État russe Sberbank, en juillet, ces documents ont retrouvé leur pays d’origine et sont désormais exposés au musée de Tsarskoïé Selo, l’ancienne résidence d’été des tsars, en périphérie de Saint-Pétersbourg. « Ces lettres et télégrammes nous exposent la vie quotidienne de la famille impériale, dont les membres s’aimaient beaucoup », explique Irina Raspopova, conservatrice des fonds du musée de Tsarskoïé Selo. « Ces archives représentent un énorme intérêt pour les chercheurs. Nous avons eu de la chance de les retrouver », se félicite-t-elle.
Parmi les quelque 200 pièces figurent notamment la correspondance du dernier tsar de Russie, Nicolas II, celle de son épouse Alexandra Fiodorovna, de son père Alexandre III et de plusieurs autres membres de la famille Romanov, sur une période allant de 1860 à 1928. « Cela ne va pas très bien. Mais j’ai chassé et tué onze faisans », écrit ainsi l’empereur Alexandre III dans une lettre à sa fille Ksenia, retrouvée dans une enveloppe sur laquelle est écrit « Télégrammes de papa. 1894 », année de la mort du tsar. Les documents sont rédigés en russe, en français ou en anglais, sur du papier jauni par le temps et portant les monogrammes des membres de la famille Romanov ou le nom des hôtels dans lesquels ils se sont installés au cours de leurs voyages.
Ni joie ni chagrin
Au-delà de ces échanges épistolaires, les archives comprennent aussi le dessin d’un château réalisé par un enfant de l’impératrice Maria Fiodorovna, épouse d’Alexandre III, ou une carte pour les Pâques orthodoxes dessinée par l’épouse de Nicolas II et envoyée à sa belle-sœur.
La collection de lettres et de télégrammes permet de constater à quel point la vie des Romanov a été bouleversée par les événements de 1917, qui aboutirent à l’arrivée au pouvoir des bolchéviques et à l’assassinat du tsar Nicolas II et de sa famille. « Nous continuons à descendre sur une pente et il n’est pas difficile d’imaginer ce qui nous attend », écrit ainsi le grand duc Nikolaï Mikhaïlovitch en 1918, quelques mois avant son exécution sur ordre des nouvelles autorités bolchéviques.
Cet oncle de Nicolas II décrit dans ses lettres l’ambiance révolutionnaire régnant alors à Saint-Pétersbourg, qui restera la capitale de la Russie bolchévique jusqu’en 1924, évoquant Lénine et Trotski, ou les perquisitions menées dans son palais. « Toutes les relations sont rompues entre les révolutionnaires (…). On n’entend pas encore le canon, mais il est inévitable. Il est probable que les bolchéviques vaincront », écrit-il par exemple le 25 octobre 1917 (le 7 novembre du calendrier actuel), jour de l’assaut du Palais d’Hiver et de la prise de pouvoir bolchévique aux dépens du gouvernement provisoire. « Désormais, tous nos amis s’apprêtent à arriver là où il n’y a plus ni joie ni chagrin », peut-on lire dans sa dernière lettre, en février 1918.
Marina KORENEVA/AFP