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Amours toxiques

Amours toxiques

 
27/04/2017

La génération de la guerre, qui est la mienne, est née de la génération de l’indépendance. Cette dernière fut largement marquée par l’influence intellectuelle et morale du mandat français, lequel véhiculait les valeurs de la Troisième République. Valeurs teintées de nationalisme depuis la défaite de Sedan, en 1870, et jusqu’au-delà des deux décennies du protectorat exercé par la France sur le Liban. Lequel Liban est alors très perméable, sortant à peine de quatre cents ans d’occupation ottomane, à la poésie de la terre charnelle et au culte des morts. La révolte des nationalistes arabes contre les Jeunes-Turcs affaiblis, à laquelle participent les Libanais, brasille encore dans les mémoires
Aussi, les écoliers des années 1970 sont-ils catéchisés par leurs instituteurs sur des vers de Péguy et des airs de dabké, danse tellurique s’il en est, et nationale par excellence. Quelques années avant la guerre, le Liban est pour la population scolaire le plus beau pays de l’univers. Il jouit de quatre saisons et d’un climat idéal, d’une irrigation exceptionnelle et d’une terre généreuse que le monde entier lui envie. Le paysan y est le détenteur de toutes les sagesses. L’émigré, ce curieux archétype qui transforme en or tout ce qu’il touche et dont on ne nous dit pas pourquoi il a choisi de partir, vit dans la nostalgie du retour. Le Liban est le pays de la liberté et, croit-on, de la diversité
Il y avait à boire et à manger dans ce salmigondis dont le principal objectif était de nourrir dans les jeunes esprits la petite flamme qui commençait à vaciller chez la plupart de leurs aînés, à mesure que leur pays perdait l’équilibre. On devait en voir la preuve et les conséquences dès 1975. En 1991, le Liban était déjà voué à un irrémédiable désamour
Me retrouvant collégienne à Paris avec la fange du plus beau pays du monde encore collée à mes souliers, mes yeux continuaient à briller à l’évocation du mot « patrie ». Ce mot-là, avec les flonflons et les trémolos qui l’accompagnent, et les claquements de drapeau et les parfums de terre, et les aubes et les crépuscules et les pleines lunes pour lui seul déployés, me nouait la gorge. Or mes petits camarades de la France socialiste d’alors ne comprenaient rien à cette émotion bizarre. Eux se rêvaient citoyens du monde et imaginaient un avenir sans frontières. Ils m’ont appris combien pouvait être réducteur, voire dangereux, cet attachement aux racines et au territoire. Petit à petit, le mitterrandisme m’a enseigné des valeurs plus universelles, moins clivantes, exclusives ou réduites à un point de la géographie. Et si, quand meurt un soldat, me revient encore, à la mémoire et aux paupières, le quatrain de Claudel :
–  Heureux ceux qui sont morts pour des cités charnelles.
Car elles sont le corps de la cité de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts pour leur âtre et leur feu,
Et les pauvres honneurs des maisons paternelles
… je ne peux m’empêcher de penser à la vanité qui érige les villes en Jérusalem célestes et interdit aux « maisons paternelles » de partager leur feu. Les Franco-Libanais ont largement voté à droite, dimanche dernier, assez curieusement contre leur propre intérêt. Sans doute un transfert de leurs rêves avortés et l’écho impérieux de la voix des vieux maîtres

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